Vesta et son temple

As de Caligula, (Collection Frédéric Weber)

Le temple de Vesta, la déesse du foyer, est l'un des plus anciens temples de Rome. Le feu sacré y était gardé par des prêtresses vierges, les Vestales qui se devaient de veiller sur le feu jour et nuit afin qu'il ne s'éteigne jamais. Ironie du sort, il fut détruit par le feu à plusieurs reprises.

Le second temple, bâti en 394 avant J.-C, fut détruit lors de l'invasion gauloise. Le troisième temple fut incendié en 241 avant J-C. Le cinquième fut reconstruit en marbre par Auguste.

En 64 de notre ère, le grand incendie qui ravagea Rome, peut être à l'instigation de Néron, détruisit, entre autres, l' Atrium Vestae, l'enceinte sacrée, à l'intérieur de laquelle se situait ce temple prestigieux. Dans son programme de reconstruction de Rome, Néron entreprit de bâtir un nouveau temple à la déesse, événement commémoré par un denier.

NERON, denier d'argent, vers 65-66 de notre ère (Tkalec AG)

SUETONE, Vie_des_douze_Césars, Néron XXXVIII : "... Sous prétexte qu'il était choqué par la laideur des anciens édifices, par l'étroitesse et par les sinuosités des rues, il incendia Rome... (...) Le fléau se déchaîna pendant six jours et sept nuits... Alors, outre un nombre infini de maisons de rapport, les flammes dévorèrent les habitations des généraux d'autrefois, encore parées des dépouilles ennemies, les temples des dieux, voués et consacrés par les rois, puis lors des guerres contre Carthage et contre les Gaulois, enfin tous les monuments curieux et mémorables qui restaient du passé. Néron contemplait cet incendie du haut de la tour de Mécène et charmé, disait-il, par la beauté des flammes, il chanta la prise d'Ilion dans son costume de théatre."

Sur ce denier, la statue de Vesta est représentée dans le temple, or, Ovide nous apprend que ce n'était pas le cas :

OVIDE, Fastes, VI, Juin, : Pas de statue de Vesta dans le temple (6, 295-298) "J'ai cru longtemps, dans mon ignorance, qu'il existait des statues de Vesta; j'ai appris naguère que le dôme de son temple n'en abritait aucune; là seulement se conserve un feu qu'on ne laisse jamais éteindre; mais il n'est point d'images qui représentent ni le feu ni Vesta."

Le temple, commencé sous Néron sera inauguré par Vespasien en 73, et fera à nouveau l'objet d'émissions monétaires.

VESPASIEN, Auréus, vers 73, (Classical Numismatic Group)

Ovide nous renseigne sur sa forme et sur la raison qui fit qu'on reconstruisit le temple sans en changer sa forme sphérique, comme nous pouvons le voir sur les monnaies :

OVIDE, Fastes, VI, Juin, Le temple de Vesta : son site; sa forme (6, 257-282) "Ce toit que vous voyez, d'airain aujourd'hui, alors vous l'eussiez vu de chaume; des branches d'osier flexible, entrelacées ensemble, en formaient les murs... On dit cependant que la forme du temple a été conservée telle qu'elle était alors, et cette forme tient à des raisons que je vais exposer. Vesta est la même que la terre; l'une comme l'autre entretient un feu éternel ; la terre et le foyer sacré nous indiquent, par leur aspect même, la présence de Vesta.

La terre, semblable à une balle de paume, se soutient sans appui, quoique si pesante, au milieu de l'air qui l'environne. Arrondie en globe, cette rotondité même la fait rester en balance. Point d'angle qui permette de contact avec aucun des points de sa surface; ainsi, elle est suspendue au milieu de l'univers, sans être plus ou moins voisine d'aucune des parties dont il se compose. Si elle n'était point ronde, elle se trouverait plus près de quelqu'une de ces parties, et alors la masse de la terre serait déplacée du point qu'elle occupe au centre de toutes choses.

Dans la citadelle de Syracuse, il est un globe suspendu au milieu d'un air sans issue: image en petit de l'immense univers. On y voit la terre aussi éloignée des parties inférieures que des parties supérieures ; c'est sa forme ronde qui la fixe dans cette position. Tel est aussi l'aspect que présente le temple de Vesta; l'oeil y chercherait en vain la saillie de quelque angle, et un dôme la met à l'abri des eaux de la pluie."

 

A nouveau détruit par un incendie en 191, il sera une dernière fois reconstruit à l'instigation de Julia Domna.

As ou dupondius de Julia Domna, (Tkalec AG)

 

JULIA DOMNA, denier, vers 207, (Classical Numismatic Group)

Hérodien, Histoire_romaine, Livre I : "(Sous Commode) La flamme, après avoir réduit en cendres ce superbe bâtiment (le temple de Pax), gagna plus loin et brûla plusieurs autres temples. Celui de Vesta ne fut point exempt de ce malheur, et l'on vit à découvert, pour la première fois, le palladium qu'Enée apporta de Troie en Italie, et que les Romains tiennent caché avec tant de religion ; car, pour sauver cette ancienne statue, les vestales la portèrent sur leurs épaules par la rue Sacrée dans le palais de l'empereur. Les plus beaux quartiers de la ville furent entièrement brûlés, et le feu dura plusieurs jours avec la même violence, jusqu'à ce qu'il survint des pluies qui arrêtèrent son impétuosité."

Sur un revers de Julia Titi, la fille de Titus, nous pouvons voir, entre les mains de Vesta, le Palladium, la statuette de Pallas-Athena, emmenée hors de Troie, en flammes, par Enée, dans la version romaine de la guerre de Troie. 

JULIA TITI, Dupondius, vers 80-81. (Collection Frédéric Weber)

OVIDE, Fastes, VI, Juin, Le Palladium, comme talisman, dans le temple de Vesta , (6, 424-435) "Ilus, le petit-fils de Dardanus, venait de construire de nouveaux remparts (à Troie); l'Asie reconnaissait encore en lui un puissant souverain. On croit que, du haut des cieux, une image de la belliqueuse Pallas descendit sur les collines de la ville d'Ilion. Je voulus m'en assurer par mes yeux; je vis le temple, et le lieu où s'élevait la statue; mais c'est tout ce qu'Ilion en a gardé ; c'est Rome qui possède Pallas.

On avait consulté Apollon Sminthien ; caché au fond d'un bois épais, sa voix véridique avait fait entendre cet oracle: "Conservez la déesse venue des cieux, et vous conserverez votre ville; si elle est transférée dans un autre séjour, l'empire la suivra." Ilus veille sur ce trésor; il le dépose et l'enferme au haut de la citadelle ; le soin de la garder passe à Laomédon, qui règne après Ilus, et à Priam ensuite, qui fut moins vigilant. Ainsi tu le voulais toi-même, ô déesse, depuis le jugement qui t'avait refusé le prix de la beauté. La statue fut enlevée, dit-on, soit par le petit-fils d'Adraste, soit par Ulysse si habile aux larcins, soit enfin par le pieux Énée ; mais quelles que soient les mains qui l'ont dérobée, la statue appartient à Rome, elle est sous la sauvegarde de Vesta, qui voit tout à la lueur de son feu éternel. "

OVIDE, Fastes, VI, Juin, Pourquoi Vesta a-t-elle des vierges pour prêtresses ? (6, 283-294) "Vous demandez pourquoi la déesse veut des vierges pour ministres de ses autels? Ici encore je vous ferai connaître la vérité. On dit que Saturne rendit d'abord Ops mère de Junon et de Cérès ; Vesta naquit la troisième; les deux premières devinrent épouses, et enfantèrent à leur tour; une des trois refusa seule de se livrer aux embrassements d'un époux. Faut-il s'étonner si, vierge elle-même, elle veut des vierges pour prêtresses, ne confiant qu'à de chastes mains le soin de son sanctuaire ? Qu'est-ce en outre que Vesta, sinon la flamme ardente ? or, la flamme n'a jamais rien engendré ; c'est donc à bon droit qu'elle est vierge, et qu'elle s'entoure de compagnes vierges aussi, celle qui ne donne et ne reçoit aucun germe de vie."

Frédéric Weber

 
     
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